François Valère
François Valère
(pseudonyme de Fernand Malfait)
Verviers 1935 - Verviers 1979.
Écrivain belge de langue française.
Biographie
François Valère fait son entrée dans les lettres belges de langue française avec la publication, en 1952, de son recueil de poèmes « Tout sera clair », dont le titre est un contrepoint humoristique au contenu ; et pour lequel il aura le prix Nestor Malfait, ce qui ne fera que confirmer sa notoriété dans le petit cercle d’intellectuels qui avaient déjà décelé chez lui les potentialités d’un auteur d’exception. L’ouvrage reprend une vingtaine de quatrains écrit pendant sa rhétorique à l’Athénée de Verviers et qui, en une langue délibérément retravaillée à l’opposé du relâchement alors à la mode, évoquent toutes les difficultés d’être d’un adolescent élevé dans un milieu de petits bourgeois bien-pensants et qui tente d’exprimer les troubles et les interrogations de sa sexualité à travers de délicates circonlocutions (« Où seras-tu ma bien-aimée ? Vers quels mouvements humides me porteront les angoisses de ton ombre ? »).
En même temps qu’il entame des études de droit à l’Université Catholique de Louvain, en 1953, il entreprend la rédaction d’un roman qui devait être une sorte de développement en prose de son œuvre poétique. Les quelques fragments qui en subsistent font regretter que, pris par ses études, il n’ait pu en mener la rédaction à terme. À travers eux, on devine nettement l’inspiration d’un homme en devenir exprimée à travers un style qui s’affirme sans concession. Il publie alors quelques textes dans une revue estudiantine dont il est brièvement rédacteur en chef avant que sa forte personnalité ne l’oppose à l’équipe de rédaction qui l’évincera. « Ce sera eux ou moi ! » avait d’ailleurs été le titre de son dernier éditorial.
Sa rencontre avec une condisciple d’origine assez modeste, Lise D., la passion qui les uni et surtout le conflit ente les deux adolescents et les parents du jeune homme — encore imprégnés de cet d’esprit petit-bourgeois d’un autre âge — seront le terreau d’une longue nouvelle « Les salauds vont en enfer » parue dans l’hebdomadaire Samedi et dont les ultimes paragraphes, prévus en dernière page, ont malencontreusement disparu en cours de montage typographique.(1) Sur un coup de tête — puisqu’on ne veut pas de lui, on se passera de lui — il part pour Paris, abandonnant ses études, ses parents et Lise D..
Avait-il seulement un projet, ce jeune Rastignac des lettres, alors qu’il débarquait de la Gare du Nord avec pour tout balluchon son stylo et probablement sa brosse à dent ? Après quelques jours d’errances dans cette grande ville qui, à elle seule, rassemblait tout ce qu’un jeune écrivain peut espérer découvrir, il échoue dans un bistrot de la rive gauche. Le destin l’y met en présence d’une joyeuse bande qui l’intègre sur le champ après qu’il eût abandonné ses derniers centimes dans une tournée générale.
On peut situer à cette époque un important tournant dans sa vie, dans son style et surtout dans le choix de ses sujets. En ce terrible hiver 1954, Il ouvre les yeux sur un milieu fondamentalement différent de celui au sein duquel il a été élevé ; il prend conscience qu’il existe un univers où les êtres souffrent de la faim et du froid ; il réalise que le monde est divisé en deux : les nantis et les autres.
Il adhère brièvement au parti communiste mais ses choix idéologiques s’inscrivent bien au-delà des positions timorées de ses compagnons et ce sera rapidement la rupture.
Il forcera la porte de Jean-Paul Sartre pour lui soumettre son « Manifeste pour une société réellement égalitaire ». Le grand homme l’écoutera avec bienveillance et lui prodiguera même quelques conseils. Les dix minutes que François Valère aura passées avec Sartre le marqueront à jamais. (2)
Dans la fièvre de ses découvertes, il passe les nuits à écrire et les journées à courir les éditeurs, ses manuscrits sous le bras. Une quête un peu vaine et il confiera lui-même plus tard qu’il était bien naïf de s’imaginer pouvoir débarquer ainsi à Paris et voir derechef son œuvre reconnue, acceptée et publiée. « En ces années de déliquescence, les mentalités n’étaient pas encore assez mûres » (3). Il ne nous reste en témoignage de ces trois mois, fulgurants dans leur déroulement et leur effervescence, que certains fragments publiés ultérieurement à compte d’auteur (4).
Fin septembre 1955, il regagne Verviers. Il a vingt ans et décide alors, avec le soutien de quelques commerçants éclairés proches de ses parents, de fonder sa propre revue littéraire « La plume est une épée ». Malgré le succès du premier numéro, dont tous les textes résolument de gauche sont de sa main droite, il devra en suspendre la publication après le troisième opus. Sa rigueur inflexible quant à la qualité et l’orientation des pamphlets qu’il aurait souhaité publier, l’empêche d’accepter l’insertion de certains encarts bassement mercantiles qui auraient déforcé son propos. Il subit alors les avanies de longs procès intentés par ses mécènes et dont les issues malheureuses et les charges financières qui en découleront l’obligeront à accepter un emploi de rédacteur dans les services communaux qu’un ami de la famille, Nestor Malfait, lui procurera grâce à ses relations politiques.
Durant ces années d’enfer, son travail lui laissera toutefois le loisir de rédiger un long texte où se mêlent la diatribe contre une administration qu’il a apprise à bien connaître (à ses dépens) et les contraintes d’une vie de famille que lui impose son père au prétexte qu’il a dû apurer ses dettes (5)
Il n’en sortira pas indemne mais la chance lui sourira enfin lorsqu’il aura l’occasion de travailler comme correspondant indépendant pour « Le Soir ». Co-auteur d’une rubrique sur les manifestations artistiques, il y met toute sa fougue et ses connaissances des milieux littéraires au service d’un lectorat dont les réactions ne seront malheureusement pas à la mesure de son enthousiasme. Et, à la suite d’une violente entrevue avec le rédacteur en chef, il donne sa démission au bout de cinq semaines de collaboration.
C’est donc un homme découragé par l’incompréhension des siens, et de tous les autres, qui aborde le milieu des années soixante. Un drame affreux le frappe alors de plein fouet. Ses parents sont victimes d’un accident en revenant d’un week-end prolongé au Zoute et ils y laissent la vie. Anéanti par la douleur et sans doute pour mieux s’y abandonner, François Valère, revend la petite entreprise familiale et a la chance de pouvoir en tirer un capital suffisant pour le mettre à l’abri de tout souci pécuniaire. Comme il le dira lui-même avec son habituelle sincérité : « Tout drame recèle en lui les ressources nécessaires pour l’affronter ».
Il s’enfonce dans une recherche véhémente où il explorera les facettes obscures de son être. À travers les textes de ces dix années, on comprend qu’il a abandonné ses préoccupations sociales et humaines pour se tourner entièrement vers une exploration de sa propre personnalité. Il ne nous reste malheureusement de cette époque que de rares éclats coruscants qui éclairent la nuit d’une vie qui aurait pu être tellement plus épanouie si elle s’était développée en de plus riches terreaux. On ne pourra qu’espérer voir un jour s’y intéresser quelqu’éditeur moins préoccupé de sa propre rentabilité financière que de la qualité des œuvres qu’il publie.
De sérieux ennuis de santé — son foie qui l’a toujours fait souffrir a très mal résisté aux privations alimentaires presque ascétiques qu’il lui a fait subir — le conduisent à une hospitalisation prolongée, et à la convalescence correspondante, dans un établissement qui lui inspirera un texte fort que seules les pressions, pour ne pas dire les menaces, de l’ordre des médecins l’empêcheront d’envisager publier (6)
Ce n’est cependant pas son chant du cygne. La dernière année de sa vie sera consacrée à une œuvre importante que malheureusement sa disparition inopinée ne lui permettra pas de mener à bien comme il l’aurait tant souhaité.
Un nouveau drame, dont les prémices nous resteront celées à jamais, le pousse à mettre prématurément fin à ses jours le 24 juillet 1979, précédant d'un peu moins d'un an son mentor. Il aurait souhaité d'ailleurs voir gravé sur sa propre tombe la phrase Jean-Saul Partre "Aucun homme ne mérite d'être consacré de son vivant". Il est d'ailleurs vraisemblable que, tout comme lui, il aurait refusé le Nobel de littérature.
Bibliographie : (en construction)
Voir aussi :
Pour une approche de la littérature belge souterraine - 1989 – éditions du Pélican.
Et le groupe Facebook : Les amis de François Valère (17 membres) et Pour une réhabilitation de François Valère (5 membres)
Notes
(1) On retiendra aussi que l’ire de ses parents s’est trouvée considérablement attisée par la publication du poème Ode à Lieske, une œuvre sulfureuse par son érotisme novateur et que François, tout à sa passion pour la jeune Lise D., avait distribué gratuitement à ses amis et à ses proches. ndlr
(2) Il aurait, à la suite de leur rencontre, rédigé un petit texte Les mains Sartre dont nous n’avons malheureusement retrouvé aucune trace ndlr
(3) dans Paris n’est plus une fête, inédit.
(4) éclatements – 1955 – éditions de l’Arbre à Feuilles
(5) Essai sur les sociétés inhumaines – 1957 – tirage limité à 15 exemplaires
(6) Souvenirs de la maison des fous – 1974 – non publié
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